L'intérêt économique des Frères musulmans, dès sa création, coïncidait avec son plaidoyer et ses intérêts politiques, de sorte que le facteur économique, avec ses choix de plaidoyer et ses orientations politiques, constituait l'une des dimensions fondamentales de la formulation de la vision idéologique du groupe Organisation et théorisation pour que le groupe devienne - selon les termes d'un de ses dirigeants défait -“dirigé par des banques et des banquiers, non par des savants et des prêcheurs”.
L'étude du dossier économique des Frères musulmans constitue une tâche très difficile en raison des mesures de précaution complexes que le groupe prend pour anéantir ses sources de financement et la façon dont il gère sa richesse financière et ses dépenses. Ses expériences historiques prolongées en elle relations tendues avec les gouvernements successifs et le pouvoir judiciaire.
Le discours économique des Frères musulmans se démarque de leur discours idéologique général basé sur trois principes de base : 1- L'Islam est un système de vie intégré et autosuffisant. 2- L'Islam est un système qui est formé et construit sur deux sources principales ; Ce sont le Coran et la sagesse du Prophète dans sa biographie et la Sunna. 3- L'Islam est un système applicable en tout temps et en tout lieu du monde.
Le lien étroit entre l'économie et l'idéologie est incarné comme les contrôles les plus importants de l'esprit de la Fraternité en plus de l'organisation, par analogie avec les déterminants de l'esprit politique islamique que Muhammad Abed al-Jabri a restreint à “la tribu, le butin et le credo "comme clefs par lesquelles on peut lire l'histoire arabe et islamique, en pratiquant une sorte de projection systématique. Pour ces déterminants du cas des Frères musulmans, on constate que la foi fondée sur la religion est devenue une idéologie, le clan basé sur le tribalisme est devenu une organisation, tandis que le butin basé sur la prise de pouvoir est devenu une économie.
L'économie de la Fraternité se distingue par le fait qu'elle est orientée au service du projet intellectuel et politique du groupe, qu'elle a la capacité de s'adapter à divers systèmes politiques, et qu'elle est une économie politisée et tend vers la religiosité, comme le groupe a cherché à employer la religion pour développer ses ressources financières et à bâtir son empire économique, c'est une économie de services qui vise également à pénétrer dans la société. Une économie familiale liée aux relations de parenté et de mariages mixtes entre les dirigeants et les membres du groupe, et d'autre part c'est une économie qui investit dans des activités de consommation à profit rapide et évite d'investir dans des biens d'équipement qui bâtiront une économie nationale forte, car c'est une économie mondialisée et ouverte sur le monde, ce qui a permis au groupe de profiter des écarts existants dans certains refuges pour renforcer leurs capacités économiques.
Le groupe a accordé une attention particulière à la question financière dans ses documents d'organisation et ses règlements, tant en termes de modalités de recouvrement, d'aspects de dépenses ou de répartition administrative des responsabilités, et au sein de sa structure administrative, il a créé le poste de vérificateur, de trésorier et de comité financier en tant qu'éléments administratifs pour contrôler les mouvements de fonds au sein de sa structure organisationnelle. Cela est dû à sa conscience de l'importance de l'argent pour renforcer la force de l'organisation, assurer sa continuité et son indépendance, ainsi que faire preuve de “transparence” devant ses adeptes, renforcer leur confiance dans son leadership et tester le degré de leur volonté se sacrifier pour cela.
Al-Banna et ses frères, après avoir déménagé au Caire en 1932, ont reçu le généreux soutien de plusieurs partis politiques. Ce sont des points de vue qui considéraient le groupe comme une entité missionnaire éducative qui s'étend socialement et qui n'a aucune implication dans la politique, le groupe a ainsi bénéficié des fonds du palais et du soutien des puissances occidentales, en tête soutenu par l'autorité d'occupation britannique, et il a réussi à s'adapter aux politiques suivies en Égypte après l'indépendance et en l'utilisant pour développer sa richesse financière.
La grande ambition du groupe est d'adopter une vision holistique dans le traitement des questions de religion et de la vie quotidienne, les problèmes de la patrie, de la nation, de l'individu et de la société - surtout après sa transformation dans une période ultérieure en un acteur régional et international dans le domaine politique et le réseau financier mondial grâce à son organisation internationale - ce qui a poussé sa direction à élargir les ressources financières de la communauté pour inclure en plus des sources “individuelles”, représentées par des contributions, des dons et des fonds de la zakat, des sources “institutionnelles” représentées dans les projets d'investissement directement ou indirectement affiliés au groupe.
Le groupe a renforcé sa présence dans les pays occidentaux, en veillant sur des projets devenus connus sous le nom de “commerce halal”, augmentant ainsi le montant d'argent qu'il collecte sur les bénéfices des entreprises opérant pour lui à l'étranger. Les projets du groupe ont également bénéficié des facilités administratives d'un certain nombre de gouvernements étrangers grâce à leurs compétences dans l'exploitation des lois du pays, son affinité idéologique avec son gouvernement, ses intérêts étant compatibles avec lui, et sa capacité à être mis à contribution pour réaliser des gains géopolitiques.
L'infiltration de la Fraternité dans les institutions de l'État et de la société à un moment où l'Égypte a été témoin de plus d'extrémisme dans le discours des organisations terroristes, alimentant l'inquiétude quant à l'influence croissante de la Fraternité sur le marché financier et commercial, en particulier depuis la fin des années 1980, et cela a également commencé à harceler le système au pouvoir du pays, d’autant plus que les articles de presse étaient à l’époque préoccupés par des actes de terrorisme. Les mouvements suspects des dirigeants des Frères musulmans exacerbaient souvent les craintes du régime au sujet des sociétés de placement d’argent gérées par les membres du groupe.
Les cercles politiques, sécuritaires et intellectuels en Europe exprimaient leur inquiétude face à l'échappatoire des fonds du groupe et à la croissance effrayante de son influence dans les rangs des musulmans européens, dont une part importante a obtenu la nationalité du pays de résidence. Parmi eux se trouve Nadia Sminette, chef de la commission contre le terrorisme au Parlement belge, qui a estimé en décembre 2017 que l'autonomisation des Frères musulmans en Europe contribuait à saper l'intégration des musulmans dans ces pays, ajoutant que la question s'étendait "à l'exploitation de leurs ressources financières pour répandre l'extrémisme et l'utilisation du territoire européen comme tremplin pour leurs activités terroristes dans le monde".
L'arrivée du groupe au pouvoir en Egypte a constitué un véritable test de ses intentions, car il cherchait du point de vue économique à employer sa gestion de l'économie pour développer sa richesse financière et à réaliser son projet politique de restauration du califat islamique, l'économie du pays a connu une baisse notable, comme l'a révélé la baisse de la cote de crédit de l'économie égyptienne.
L’économie a été l’un des piliers de la stratégie de la Fraternité, après la chute de son règne, pour résister aux pressions sécuritaires d’une part et épuiser l’État égyptien dans une guerre économique à long terme d’autre part. C'est une stratégie basée sur l'emploi d'un réseau complexe d'institutions de change, de banques et de magasins, et sur des relations entrelacées avec des mafias de la drogue, des marchands de devises, des Égyptiens à l'étranger et d'autres, pour boulverser la stabilité économique en Égypte. Cette stratégie de l'État égyptien a rencontré une fermeté sans précédent qui reflète sa détermination à mobiliser toute son énergie pour détruire l'empire monétaire de la Fraternité en émettant un certain nombre de décisions et de lois qui renforcent son emprise sécuritaire afin d'encercler les sources de puissance et démanteler ses réseaux.
La pérennité du groupe comme facteur d'équilibres géopolitiques et point de croisement des intérêts stratégiques fait que les puissances régionales et internationales parient sur leur survie et les utilisent comme carte de pression médiatique et politique sur les régimes arabes et ce que cela implique en termes de retournement d’un oeil aveugle sur les activités et mouvements interdits ou suspects liés notamment à l'aspect financier. En effet, le Qatar et la Turquie en sont convenus à considérer le groupe comme un cheval de Troie pour l'ingérence dans les affaires des pays de la région.